Le fait est très rare et mérite d’être souligné, le Sénégal va aider l’Allemagne à compenser, une partie de son déficit en gaz. Cela a valu une visite du chancelier Olaf Scholz au Sénégal. D’ordinaire, ce sont les pays développés, qui fournissent de l’aide aux pays en voie de développés. Avec la guerre en Ukraine, les choses sont en train de s’inverser. Quels en sont les enjeux, dans un contexte de changement climatiques ? Une analyse de Didier Hubert MADAFIME, Correspondant Africa Climate Reports, Cotonou, Bénin.
Ça se voit maintenant, l’Union Européenne n’est pas prête à tenir ses engagements de réduction de gaz à effets de serre, responsables du réchauffement climatique.
La guerre en Ukraine devrait être, tout au moins, une occasion pour les pays au sein de l’Institution Européenne de faire le dos rond à Vladimir Poutine et à ses combustibles fossiles, malheureusement, chaque pays de l’Union, s’est mis à la quête, ne serait-ce que pour une petite quantité de gaz ou de pétrole pour continuer à maintenir en vie ses activités et les conditions de vie de ses populations, en dehors de tout engagement, celui qui consiste au respect de sa contribution déterminé au niveau national, en vue de sortir l’humanité de sa dépendance aux énergies fossiles, le gaz et le pétrole, notamment.
L’arrivée de Olaf Scholz à Dakar est à inscrire dans ce registre. Sa présence au Sénégal compromet, non seulement, la promesse de son pays de respecter l’Accord de Paris sur le climat mais celui du Sénégal, pays en voie de développement, vulnérable à tout point de vue aux effets des changements climatiques.
Le Sénégal et les changements climatiques
Comme tous les pays côtiers, les changements climatiques affectent aussi les systèmes biophysiques clés du Sénégal : Il s’agit de :
– Une baisse des précipitations et une augmentation de l’évapotranspiration ;
– Une modification dans le fonctionnement des écosystèmes ;
– Une réduction du couvert végétal, une érosion hydrique, une dégradation des sols ;
– Un réchauffement de la température de l’océan.
Les secteurs économiques clés du Sénégal sont aussi touchés, notamment, le tourisme, l’agriculture, la pêche, l’habitat et la santé. Ces constats justifient la nécessité pour le Sénégal, d’élaborer sa contribution en matière d’atténuation et d’adaptation face aux changements climatiques.
Ces efforts sont concentrés sur la protection de ses écosystèmes physiques et biologiques, ainsi que la gestion des chocs climatiques. La contribution énoncée par le Sénégal traduit, donc, la volonté du gouvernement à atténuer les émissions dans les secteurs, tels que l’énergie et l’industrie qui, aujourd’hui contribuent le plus aux émissions de CO2, enregistrés au niveau national.
On note également que le sous-sol sénégalais recèle, à la fois, d’une grande variété de richesse, à pâlir d’envie quiconque, surtout dans le domaine de gaz et du pétrole. L’exploitation de ses ressources ne peut pas être sans conséquence sur l’avenir économique et social du Sénégal. C’est même légitime qu’il tire profit de ses ressources.
La guerre en Ukraine devient une aubaine, sauf que signataire de l’Accord de Paris sur le climat, le Sénégal comme tous les autres pays ont l’obligation de respecter leurs engagements de réduction de gaz à effets de serre.
C’est d’ailleurs, l’objectif de cet accord, qui consiste à renforcer la réponse mondiale à la menace du changement climatique en maintenant l’augmentation de la température mondiale à un niveau bien inférieur à 2 degrés par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre les efforts pour en limiter davantage.
En un mot, chaque pays signataire de l’accord de Paris est appelé à rendre le monde vert, c’est-à-dire à opter pour une offre d’électricité verte. Et voilà, la guerre en Ukraine change la donne.
Le chèque en contrepartie du gaz naturel
Pour compenser son déficit en gaz, l’Allemagne se tourne vers le Sénégal. Le Chancelier Olaf Scholz est allé lui-même au Sénégal pour entamer des discussions avec les autorités sénégalaises sur la nécessité d’une coopération en matière d’extraction du gaz et de production GNL.
Le dirigeant allemand est ainsi, à la recherche d’une alternative aux importations russes de combustibles fossiles. Cette démarche, il faut l’avouer, contredit l’engagement pris l’année dernière par l’Allemagne de mettre un terme au soutien étranger relatif aux combustibles fossiles d’ici la fin 2022. Il ne sera pas tenu tout simplement.
Dans une conférence de presse, le Chancelier évoque le gain pour le Sénégal. « Il ne s’agira plus seulement du gaz naturel liquéfié, la coopération va aussi porter sur les énergies renouvelables. Elle inclurait aussi les investissements techniques dans l’infrastructure nécessaire à la construction de la centrale sénégalaise ».
Macky Sall ne peut que se frotter les mains. Le Président sénégalais veut exploiter les ressources cachées sous son sol. Il a d’ailleurs critiqué l’accord conclu à la COP 26.
« J’ai demandé au chancelier Scholz de nous aider à soutenir l’exploitation des ressources de gaz et de GNL vers l’Europe et que nous puissions utiliser ce gaz pour nos centrales, afin de réduire nos émissions. Nous, au Sénégal, sommes intéressés à approvisionner le marché européen en gaz,» a souligné le dirigeant sénégalais.
Son appel est bien entendu, la lutte contre les effets des changements peut attendre d’abord et les engagements de l’Union Européenne désormais comme un chèque à blanc.
Des écologistes sénégalais, vent debout
Ils ont appelé à une exploitation du gaz sénégalais, qui répond aux préoccupations liées aux changements climatiques.
« Aujourd’hui, l’environnement doit occuper une place de choix, c’est-à-dire, que la recevabilité de l’environnement doit être de mise ».
« Aujourd’hui, l’environnement doit occuper une place de choix, c’est-à-dire, que la recevabilité de l’environnement doit être de mise, a affirmé Mamadou Lamine Dieng, acteur de la société civile environnementaliste, à l’occasion d’un atelier organisé à Dakar par l’ONG Legs Africa ».
Il a prévenu, que l’exploitation du gaz sénégalais peut voir de réelles conséquences sur l’écosystème. « Les pêcheurs sont entrain de souffrir et ils vont encore souffrir beaucoup avec l’exploitation du pétrole et du gaz. Donc, l’Etat sénégalais doit faire de telle sorte que cette exploitation ait un impact positif sur notre écosystème et sur notre cadre de vie,» a suggéré, l’acteur de la société civile et environnementaliste.
Le Docteur Hervé Lado, Directeur régional de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, de l’Institut africain de la gouvernance des ressources naturelles, a pour sa part, invité le Sénégal à établir un lien entre le secteur gazier et la transition énergétique.
Conclusion
Les pays de l’Afrique de l’Ouest, comme le Mali, le Burkina Faso, le Sénégal sont aujourd’hui préoccupés par l’exploitation de leurs ressources naturelles, alors que chacun est partie à l’Accord de Paris sur le climat.
L’exploitation est une manne financière pour leurs économies mais elle a ses revers à savoir : l’accumulation des déchets toxiques, la pollution de l’air, de l’eau, des sols, la destruction et la perturbation d’habitats naturels, la défiguration des paysages, autant de conséquences négatives provoquées par l’exploitation des ressources naturelles.
Il faut donc mettre en œuvre des mesures devant concourir à minimiser les conséquences de l’exploitation en faisant respecter l’investissement et l’environnement. Il s’agit de trouver, enfin, le juste milieu.