Les congolais n’ont pas souvent l’impression que le monde accorde à cet écosystème tout le mérite et l’attention qui lui convient. Et pourtant, leur forêt, celle de l’Amazonie et les forêts tropicales d’Asie du Sud-Est, forment à elles seules 80% de la biodiversité. Ce sont aussi de nombreux services écosystémiques qu’elles rendent, permettant à la planète de respirer. Pour ce que cette forêt représente, Arlette Soudan-Nonault, Ministre de l’Environnement et du Développement Durable et du Bassin du Congo n’a pas la sensation que son pays est récompensé en retour. A l’occasion de la rencontre intitulée « One Forest Summit » dont les travaux ont démarré le 1er février 2023, à l’hôtel Radisson de Libreville au Gabon, la Ministre congolaise n’a pas caché sa déception. Face aux médias, elle a trouvé les mots pour dire en thèmes très clairs ce qui marche moins dans la lutte contre les effets des changements climatiques…Didier Hubert MADAFIME, Libreville
Devant les hommes des médias la Ministre congolaise de l’environnement et du développement durable s’est attaqué de front à la question de crédit carbone. C’est le Protocole de Kyoto et l’Accord de Paris sur le climat qui ont fixé ce mécanisme.
Il a été dévoyé par la dérégulation du marché carbone. La possibilité d’acheter le carbone librement a conduit à l’effondrement du prix du carbone. Les ressources financières dont devrait bénéficier les pays des massifs forestiers pour améliorer et restaurer ces écosystèmes se sont envolés.
C’est contre cette situation que la ministre s’est révolté lors de sa rencontre avec les journalistes où elle a pris le soin de mettre le doigt sur tous les rendez-vous manqués de la communauté internationale dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques.
Pour permettre à ces écosystèmes de continuer par fonctionner normalement, il n’y a rien d’autre qu’un accroissement des financements pour permettre de concilier l’exploitation des ressources forestières, le développement économique et la lutte contre la pauvreté.
L’argent issu des crédits carbone peut contribuer à rendre efficace les différentes politiques en faveur du Bassin du Congo. Crédit carbone, certes mais pas à n’importe quel prix.. Il s’agit de celui proposé dans l’accord de Paris que la Ministre congolaise appelle « crédit carbone souverain » plus intéressant et plus incitatif.
La volonté de bouger
Depuis quelques années, rappelle la ministre congolaise, le Secrétaire Général des Nations-Unies Antonio Gutteres, ne cesse d’attirer l’attention sur l’urgence climatique au regard des enjeux liés à ce phénomène.
Il faut donc arrêter avec les discours, il faut passer aux actes et multiplier les efforts pour offrir une planète viable et vivable aux générations futures, dira celle qui n’a pas sa langue dans sa poche. Elle essaie un parallèle avec le COVID19 et voudrait que les changements climatiques bénéficient de la même attention que la pandémie.
One Forest Summit constitue ainsi une opportunité. Les réflexions vont permettre de trouver des solutions à des questions qui sont restées pendant longtemps sans solutions.
Une autre initiative dont elle partage la primeur avec les journalistes est à organiser sous peu et est née, selon elle, de la volonté, du Président de la Commission Climat du Bassin du Congo, le Président Dénis Sassou Nguesso de réunir autour des trois bassins les différents acteurs en vue de réfléchir à leur devenir..
Le bassin du Congo : juste un bon élève d’atténuation ?
Les chiffres et les faits sont là, pour montrer que le massif des forêts du Congo vaut mieux, ayant été reconnu par la terre entière pour son rôle essentiel dans la séquestration du carbone et dans la conservation de la biodiversité.
L’état des lieux faits en 2021 donne des chiffres intéressants en matière de séquestration de carbone. Quatre-vingt milliards (80) de tonnes de carbone environ sont stockées dans la biomasse et les tourbières du Bassin du Congo.. 2,5 millions de crédits carbone ont été émis dans le cadre du projet AFOLU, 1,1 milliards de tonnes de carbone est retiré chaque année de l’atmosphère par les forêts d’Afrique Centrale.
46700 tonnes de CO2 ont été enregistrés comme stock final sur une superficie de 800 hectares. Il faut ajouter à tout ceci, les services que le bassin du Congo offre en matière de production de bois et d’emplois.
C’est également 27% de taux de déforestation causée par un changement d’affectation des sols attribué à la production de produits de base. C’est aussi des engagements de la part des pays du bassin du Congo pour veiller à la bonne santé de cet écosystème.
C’est pour toutes ces raisons que la Ministre de l’environnement s’agace quand les gros pollueurs manquent à l’appel au moment de sortir le chéquier. De toutes les façons, l’humanité fera face à un monde qu’elle n’aura pas souhaité si le bassin du Congo arrive à disparaitre.