Le sujet le plus important, à ce rendez-vous du climat, peut, sans nul doute être résumé en ces deux petits mots : « Pertes et dommages ». A Charm El-Cheihk en Egypte en 2022, les discussions autour de cette préoccupation sont passées par toutes les émotions. D’abord le 6 novembre avec une annonce qui a surpris tous les acteurs, celle de la prise en compte des pertes et dommages dans l’agenda de la COP27.
Et puis rétropédalage le jour d’après, les « pertes et dommages ayant été évacués de l’agenda. Pas question de négocier sur ce sujet. Une décision qui passe mal et qui avait été à l’origine des prises de position sur le site de la conférence. Au bout du compte, les pertes et dommages sont revenus finalement sur la table des négociations et un modus vivendi ont même été trouvé avec la mise en place d’un mécanisme financier dont les thèmes seront débattus à la prochaine COP.
Une petite victoire en somme pour les pays pauvres victimes du réchauffement climatique. De toutes les façons, à chaque COP ses émotions. Celles de Charm El-Cheihk sont entrées dans l’histoire climatique contemporaine comme celles, qui, à bien des égards, auront montré toute la complexité des enjeux climatiques.
Didier Hubert MADAFIME
Les « pertes et dommages », de quoi retournent-ils ? Bien que les êtres humains vivent sous des régimes climatiques très variés, chaque société s’est culturellement adaptée au fil des millénaires au climat d’un lieu particulier, à partir de quoi un changement peut entrainer des pertes et dommages.
Cela se traduit par des « effets sur les vies, les moyens de subsistance, la santé et le bien-être, les écosystèmes et le patrimoine social et culturel, les services, (y compris les services écosystémiques et les infrastructures », selon le rapport du GIEC (le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’évolution du climat. Pour les pays ou les personnes n’ayant, parfois contribué en rien au changement climatique, il faut que quelqu’un paye.
Le cœur du débat tourne donc autour de l’établissement de la responsabilité historique des pays développés dans les aléas climatiques et les pertes et dommages associés qui surviennent dans les pays en voie de développement. A partir de là, certains pays les plus vulnérables et les les moins avancés ont donc demandé à être indemnisés par les pays développés. Ces derniers, depuis lors, font le dos rond refusant d’être tenus responsables de toute la misère du monde.
Pertes et dommages : La société civile africaine en fait un point d’honneur.
Pendant que les pertes et dommages étaient ainsi « malmenés » dans les salons climatisés des négociations, les rues de Charm El-Cheihk grondaient avec des slogans du genre « what we want : climate justice. When we want : now now. La pression de la société civile africaine conduite par l’Alliance Panafricaine pour la Justice Climatique finit par payer. Les pays développés ont finalement consenti à créer un fonds spécifique pour compenser les pertes et dommages dont les thèmes seront discutés à la COP28.
En somme un petit succès dont se contenteront ces pays. L’exemple des 100 milliards prévus depuis 2009 par les pays développés pour alimenter chaque année une caisse à partir de 2020 au profit des pays vulnérables est là patent. C’est la destination des fonds qui pose problème au moment où les premiers 100 milliards se font encore désirer. Les pays pauvres veulent qu’ils soient utilisés pour régler les questions d’adaptation. Non, retorquent les donateurs, c’est à l’atténuation qu’il faut les consacrer.
Charm El-Cheikh n’a pas permis d’arrondir les angles sur ce point. Dans la foulée, il y a eu beaucoup d’autres promesses, comme celle de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C et de réduire l’utilisation des combustibles fossiles. Au total, 45000 acteurs du climat, toutes tendances confondues ont pris part à ce rendez-vous climatique et comme disait Macky Sall, le Président sénégalais au cours de son intervention, je cite : « soit, nous sauvons la planète, soit elle disparait avec nous ».
COP27 : Une tribune de dénonciation des droits de l’homme et droits humains
Ceux qui ont écrit ce scénario, on imagine, qu’ils savaient bien l’impact, à cause de ce que représentent ces questions sous d’autres cieux. Et ça n’a pas raté. Le pouvoir égyptien et son Président Abel Fattah Al-SISI ont été traités de tous les noms, dès l’ouverture des travaux de la conférence, à un moment où tous les projecteurs sont braqués sur le pays des Pharaons.
A l’origine, Alaa Abel Fattah, considéré en Egypte comme l’icône de la révolution de 2011 et qui purge actuellement une peine de plusieurs années de prison pour avoir partagé un tweet sur la mort suspecte d’un détenu. Celui qui faisait depuis sept mois une grève de la faim, a décidé le jour du démarrage des travaux, de cesser, pour non seulement s’alimenter mais également de boire. Londres, Paris et Berlin ont exigé sa libération sans succès. Cela a donné lieu à une levée de bouclier internationale.
ONGs de défense des droits humains et des droits de l’homme sont montés au créneau pour dénoncer la politique de répression du pouvoir égyptien contre les opposants et les journalistes. Touchés par tout ce qui circulait, indique, un diplomate, qui a requis l’anonymat, les égyptiens auraient travaillé à faire échouer la COP27 pour faire payer à la communauté internationale son immixtion dans leurs affaires intérieures.
Une mauvaise idée, finalement abandonnée comme celle des chinois qui estimaient en plein travaux, qu’il n’est plus possible à l’humanité de respecter le 1,5°C de réchauffement. Idée également abandonnée car, l’accepter, c’est remettre, bien évidemment en cause le fondement même de la lutte contre le réchauffement climatique. Et comme l’ont clamé certains acteurs climatiques, « l’accord de Paris sur le climat reste la référence de la lutte contre les changements climatiques et il n’y a pas de retour possible ».