A Bonn, les négociateurs commencent à faire le point, après une semaine de négociations. Résultat, rien de substantiel, selon eux, surtout sur les pertes et dommages, sinon, la volonté des pays riches de ne pas être flexible sur le financement de la mise en œuvre de ce volet du réchauffement climatique. Et en plus, s’ajoute la délivrance du visa d’entrée en Allemagne à compte-goutte et selon certains négociateurs, à la tête du client. Ils sont, par conséquent, vent debout contre les pays riches, dont-ils voient leurs mains derrière ce type de comportement. Ils sont montés au créneau pour faire éclater leur colère. Le point avec Didier Hubert MADAFIME, envoyé spécial PAMACC, à Bonn
Ça commence par faire beaucoup. Ils sont certains, à ne pas pouvoir contempler, cette fois-ci, le ciel de Bonn, n’ont pas, qu’ils ne sont pas attendus mais tout simplement parce qu’on a opposé un refus catégorique à leur demande de visa.
Ce refus, pour ceux qui y sont, s’apparente à une tactique des pays riches pour éviter à avoir à faire à un grand nombre de négociateurs.
« Nous considérons le refus et le retard des visas pour l’Allemagne pour de nombreux négociateurs des pays en développement comme faisant partie des manœuvres visant à empêcher des discussions sur le mécanisme de facilité financière pour les pertes et dommages », a déclaré Charles Mwangi, secrétaire exécutif par intérim de l’Alliance panafricaine pour la justice climatique (PACJA).
Le refus ou le retard dans la délivrance des visas est l’un des défis auxquels nous sommes confrontés, ici, en tant que négociateurs », a déclaré Ephraim Mwepya Shitima de Zambie. Shitima, qui dirige le Groupe africain des négociateurs (AGN).
« Des délégations entières sont absentes aux pourparlers de Bonn, en raison de problèmes de visa. Le groupe a dû envoyer une plainte officielle à la direction de la Convention Cadre de Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), et des mesures sont prises à cet égard. »
L’AGN comprend des coordonnateurs thématiques principaux et des conseillers stratégiques des gouvernements des États membres africains. Créé lors de la COP1 à Berlin, en Allemagne, en 1995 pour unifier et représenter les intérêts de la région dans les négociations internationales sur le changement climatique, l’AGN travaille sous la direction du Comité des Chefs d’État et de gouvernement africain sur le changement climatique (CAHOSCC) et de la Conférence ministérielle africaine sur l’environnement et les ressources naturelles (AMCEN).
Pays riches : Faire un peu, preuve de bonne foi
“Les tactiques dilatoires que les pays riches emploient à travers des clauses et des terminologies, évacuent le sens de ce processus de négociation mettant davantage en danger la vie des femmes africaines, les premières victimes des catastrophes climatiques”, a déclaré Priscilla Achakpa du Women Environmental Program (WEP).
Muawia Shaddad de la Société soudanaise de l’environnement et de la conservation, membre de l’Alliance panafricaine pour la justice climatique (PACJA) estime que les progrès sont entravés par la demande de financement pour les pertes et dommages par les pays développés, car les pays riches sont convaincus que cela pourrait conduire à leur statut juridique de responsable des impacts du changement climatique.
Il y a eu promesses sur promesses, et nous savons que les promesses ne peuvent pas sortir les victimes du changement climatique des catastrophes – seules les actions et les promesses financières le peuvent. Au fait, où sont les 100 milliards de dollars par an promis par les pays riches ? s’interroge Shaddad.
On se souvient qu’en 2009, les pays riches ont promis 100 milliards de dollars par an pour appuyer le « financement climatique », pour aider les nations les plus pauvres à réduire leurs émissions grâce à des choses comme les énergies renouvelables et l’agriculture durable. Cette promesse n’a pas encore été entièrement tenue car chaque pays détermine sa propre contribution.
Un rapport publié par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en octobre 2021 affirme que les 100 milliards de dollars annuels de financement climatique que les pays à revenu élevé ont promis aux pays à faible revenu du monde pour aider à faire face aux effets d’un réchauffement planète ne sera pas disponible avant au moins 2023.
Mais de nombreux pays pauvres disent que le financement n’aide pas à faire face aux impacts climatiques qu’ils subissent déjà, c’est pourquoi un fonds séparé pour les pertes et dommages est nécessaire.
Pertes de dommages : le jeu double des pays riches
En 2020, on estimait que les catastrophes naturelles avaient causé 210 milliards de dollars de dégâts dans le monde.
Les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), parmi d’autres rapports fondés sur des données probantes des Nations-Unies, indiquent que les pays riches, comme les États-Unis d’Amérique et ceux de l’Union européenne, sont responsables de la plupart des émissions piégeant la chaleur émise dans l’atmosphère depuis la révolution industrielle.
Tandis que les pays pauvres, avec leurs émissions plus faibles, subissent toujours le poids d’un climat plus chaud à travers des vagues de chaleur plus sévères, des inondations et des sécheresses.
Pour aider à compenser ces pertes, les pays pauvres demandent aux plus riches de contribuer à un fonds pour les pertes et dommages. L’argent pourrait offrir un paiement pour des choses qui sont irrévocablement perdues, comme des vies ou l’extinction d’espèces.
Cela pourrait également aider les pays à assumer le coût de la reconstruction après les tempêtes, du remplacement des cultures endommagées ou de la relocalisation de communautés entières à risque.
Militante pour le climat et fondatrice du mouvement Rise Up, en Ouganda, Vanessa Nakate affirme que de nombreuses personnes sur le continent africain subissent certains des pires impacts du changement climatique.
Pour cette raison, a-t-elle poursuivi, « les côtes disparaissent, les îles disparaissent de la vue, les espèces disparaissent, les cultures disparaissent et l’histoire disparaît. Nous avons besoin d’un mécanisme de facilité de financière pour les pertes et dommages à la COP 27, et c’est notre engagement inébranlable. Il y a eu beaucoup de conversations avec beaucoup de discussions mais moins d’action et nous en avons besoin maintenant. »
« Plus il y a de retard dans l’action, plus les gens continueront à souffrir. Nous savons que les pollueurs sont dans cet espace, et nous savons aussi qu’ils bloquent les progrès, mais nous devons mettre les populations au cœur des discussions parce que, finalement, ce sont elles qui souffrent ; comment allons-nous les aider ? Cela devrait être la conversation que nous devrions avoir maintenant, » a ajouté Nakate.
Et pourtant la situation se complique de jour en jour
Alors que la première semaine cruciale de négociations touche à sa fin, lors des pourparlers sur le climat de Bonn en 2022, les groupes verts commencent à lever des drapeaux rouges sur le manque apparent de progrès sur les points de l’ordre du jour de la réunion.
Les militants accusent les négociateurs des pays riches et développés de bloquer toute avancée réelle sur la question du financement des pertes et dommages, mise au premier plan des négociations par les pays pauvres.
Les pertes et dommages peuvent être considérés comme des réparations climatiques – un soutien financier accordé aux communautés vivant avec les effets destructeurs de la crise climatique, soit par le déplacement, soit par la destruction de leurs moyens de subsistance.
Tiré de PAMACC: pour l’article original