Par Didier Hubert Madafime
Peut être, qu’on ne se serait jamais croisé, si à l’origine de notre rencontre, il n’y avait pas le pain.
C’était dans les années 1994. Il était lui, à l’époque, cadre de l’administration béninoise , et avait en plus une responsabilité sur tout ce qui a trait à notre commerce intérieur. Moi, un simple journaliste, qui plus est, au début de sa carrière. Cela a compté, certainement dans son attitude, ce jour-là.
J’avais à lui demander s’il n’avait pas remarqué, que le pain perdait régulièrement son poids, au point où, les consommateurs en ont touché un mot à la rédaction du journal parlé. ” Donc, c’est pour ça que tu es venu jusqu’ici ? Il y a, quand-même beaucoup d’autres choses plus importantes que ça dans la République” me lance mon interlocuteur, les yeux dans les yeux. J’ai été prié, une fois de retour de lui appliquer le tarif à la taille de son outrecuidance.
La conclusion de mon commentaire était tellement simple, que sa fourchette lui échappa des mains, m’avait-il rapporté. Il était à table à l’heure du commentaire. Voici, à peu près le sens. ” Il pouvait s’acheter lui, autant de pain. Quant aux autres, il en a cure”. Je ne pouvais pas imaginer qu’un simple commentaire au sujet d’un pain puisse avoir autant d’effets. Il a, non seulement perdu l’appétit, mais le sommeil aussi .
Durant des heures, il a couru derrière moi sans y parvenir aussitôt, pour réparer sa gaffe, parce que tous ceux qui ont écouté le commentaire l’ont tancé jusqu’à ses propres collaborateurs.
Le pain, si besoin il y a, il faut rappeler avec force, qu’il est tout pour le citoyen lambda et il est inconcevable, qu’on puisse s’amuser, non seulement avec son poids, encore moins avec son prix. L’ouvrier, c’est ça, sa nourriture, toute la journée. Le cadre moyen, reveille son ventre le matin avec le pain de même que les ” gros akowés”, pour qui, le pain doit être présent également au petit-déjeuner.
Ce qui différencie, les uns des autres, c’est la possibilité de l’acheter, aussi facilement que se soit. Et c’est là, où s’arrête l’égalité entre les enfants de ce même pays. L’un dans l’autre, le pain reste jusqu’à ce jour l’aliment principal de la majorité des beninois. Après le pain, vient le gari. Les deux sont comme le thiéboudienne au Sénégal. Si ce met arrive à manquer sur la table du sénégalais lambda, de gros soucis sont ainsi garantis aux autorités, si elles consentent à en augmenter le prix.
En faisant passer donc le prix du pain au Bénin de 135 à 150 francs, les boulangers beninois n’ont pas du tout idée de là où ils viennent de foutre leurs doigts. Le pain a été bien , à l’origine de plusieurs révolutions pour un centime de plus ajouté à son prix.
Pendant longtemps, ces boulangers sont restés insensibles à l’utilisation de la farine de manioc pour rendre marginal l’importance du blé dans la fabrication du pain. Il y a bien des années, qu’on aurait fini avec le pain fabriqué à 100% avec le blé.
Le gouvernement doit tout faire pour ne pas être embarqué dans une telle aventure à l’issue incertaine. Le prix du pain, normalement ne doit pas aller au-delà de 100frs. C’est un sacrifice si on consent à l’acheter un peu plus cher et ça devient un crime contre la faim s’il doit coûter 150 francs.
Il est encore temps pour que les boulangers se reprennent. La République les en supplie. Sans quoi, les citoyens vont finir par les y contraindre. ” ventre affamé n’a point d’oreille. C’est ce que je crois!