C’est un métier comme tout autre. Il permet à celui, qui l’exerce de faire face aux besoins fondamentaux de la vie. Mais, ce métier n’a pas d’avenir. Dans un monde où les zoonoses se multiplient de plus en plus, les risques d’une infection qui decime tout un village, n’est pas à écarter. Covid19 est passé mais sans dégâts, apparemment. Par Didier Hubert MADAFIME
Edgard T. est un vendeur de la viande sauvage. Après une scolarité ratée et une formation en soudure, vendeur de la viande sauvage, c’est bien, en effet, son job, ces dernières années. Il le tient de son père, qui lui-même a vu son grand père le faire. Comme les hommes de son âge, à peu près, la quarantaine, Edgard T. anime le marché de la viande sauvage dans la localité de Têgon, un petit village de la commune de Zogbodomè, à une centaine de kilomètres de Cotonou, la capitale économique du Bénin. Et si on remonte le temps, Têgon est réputé pour son offre en viande sauvage.
C’est donc une activité séculaire. Sa position géographique constitue un atout pour l’écoulement des produits de la brousse. Ledit village, est en fait situé le long de la route inter-etat Cotonou-Niamey. Du coup, les vendeurs n’ont pas à aller chercher les clients. Ils arrivent d’eux-mêmes.
Il suffit aux vendeurs de se tenir au bord de cette route, les différentes offres en viande sauvages en mains pour forcer l’arrêt des mordus de la viande de brousse. Dans ce marché, appelé ainsi par déformation, on peut s’offrir toute sorte d’espèces sauvages à commencer par les plus petites: la perdrix, l’agouti, la tortue, l’écureuil, le rat géant, le pangolin.
L’offre en taille est constituée par la gazelle, la biche, l’antiloppe, le phacochère et tout autre animal dont le chemin se serait croisé avec celui d’un chasseur. Une précision, tout de même, les vendeurs ne sont pas des chasseurs. Ils ecoulent, eux, les fruits de la chasse et n’entrent en scène qu’une fois la chasse fructueuse.
L’animal peut être nettoyé avant la vente, c’est-à-dire fumé, vendu en entier ou des fois vivant. Les réseaux sociaux, notamment WhatsApp, a permis d’améliorer la technique de vente des viandes sauvages. Le jour où le marché n’offre pas la viande sauvage à votre goût, il est possible d’être servi. Il suffit juste de laisser son numéro WhatsApp, qui permet de vous envoyer la photo de l’animal. Une fois la transaction conclue, un chauffeur de taxi s’occupe du reste.
Les populations de Têgon :les oubliées de la République
Il n’y a pas de vie à Têgon sans le commerce de la viande sauvage. Nourrir sa famille, envoyer ses enfants à l’école, dépendent en grande partie de cette activité. Avec la crise sanitaire, on a, à priori craint une pause dans l’animation de ce marché. Cela n’a eu aucun impact, souligne Edgard T.
Il n’est même pas tenu grand compte des gestes barrières. Pas de masques, encore moins de dispositifs de lavage des mains. A la mairie de Zogbodomè, l’Adjoint au Maire, Ludovic Daniel Houessé, a confirmé l’absence de ces éléments, dans ce milieu caractérisé par le contact régulier entre vendeurs et acheteurs mais avoue avoir mené une campagne de sensibilisation dans ce sens. Et dans cette localité où, on ne meurt jamais de mort naturelle, ne demander surtout pas, s’il y a eu des morts Covid19.
Il y en a pas eu, répond les intéressés. Edgard T. n’a aucune crainte face à la crise sanitaire. Deux choses, notamment, lui font peur. D’abord, les forestiers, ils peuvent venir un matin vous dessaisir de tous vos produits de vente pour activité illégale. Ensuite, il y a les accidents de la route. Chaque vendeur veut être le premier à l’arrêt d’une voiture. Il y a souvent eu des cas d’imprudence qui ont conduit trois de leurs camarades à la mort. Mais pour Edgard T. pas question de penser trop à ce drame. Ce métier, il est fait à défaut, le reconnaît-il.
A Tègon, il n’y a rien même l’accès à l’eau potable est tout un cauchemar. La seule chose dont son village bénéficie, c’est l’école sauf qu’elle n’offre aucune perspective aux enfants, à ses yeux. Il sait une chose, si l’école ne marche pas, ses enfants finiront par le rejoindre au bord de cette route. Une route qui est tout, non seulement pour le vendeur de la viande de brousse mais aussi pour sa famille.