La déforestation sévit dans les aires protégées que compte le sud du Burundi. Entre autres causes, l’occupation et l’exploitation illégale ainsi que les feux de brousse. Les éco-gardes livrent une lutte acharnée pour leur préservation.
Ce reportage a été réalisé par Rénovat Ndabashinze avec le soutien du Rainforest Journalism Fund et Pulitzer Center
Vue de loin, la réserve forestière de Vyanda, en province Bururi, offre un dense couvert végétal. Des arbres géants, touffus, verdoyants rafraîchissent la région. Une vue panoramique splendide, un climat très doux.
Néanmoins, elle cache d’autres réalités : cette forêt souffre. « Des actions anthropiques sont les principales menaces », analyse Léonidas Nzigiyimpa, défenseur de l’environnement. Suite à la pression démographique, explique-t-il, plus de 300 ménages occupent illégalement cette réserve, depuis plus de 5 ans. Une situation très prononcée sur les collines Karehe et Karirimvya.
Pour avoir du bois de chauffage, des arbres pour la construction des maisons, ces rapatriés de la Tanzanie exploitent abusivement et illégalement ce patrimoine. Des champs de manioc, de bananiers y sont installés. La coupe des arbres et le braconnage sont à l’origine des feux de brousse.
La forêt naturelle de Bururi souffre aussi. S’étendant sur 3.300 hectares, Claude Nshimirimana, éco-garde, souligne que ses riverains n’ont pas encore compris son importance : « Certains s’y introduisent pour abattre les arbres, chercher des médicaments ou du miel, tendre des pièges aux antilopes, etc. »
Les espèces médicinales les plus recherchées sont le zanthoxyllum gilletii (intareyirungu) et l’entandrophragma (umuyove). « Ils enlèvent leurs écorces. Et au fil du temps, ces arbres s’assèchent».
L’expansion des centres urbains constitue aussi une menace. « Plus la ville s’agrandit, plus la forêt est envahie par des habitations, des infrastructures sociales et plus la demande en charbon ou en bois de chauffage est forte», analyse M.Nshimirimana. Ce qui entraîne un déboisement abusif.
Une situation similaire à Kigwena, commune et province Rumonge. Pascal Niyokindi, éco-garde, indique que les riverains de cette réserve forestière ne cessent d’y installer des champs de palmiers à huile, de maïs, de manioc, etc. Idem pour les aires protégées Rukambasi, province Makamba ou celle de Rumonge.
Les feux de brousse font partie aussi des menaces. Reconnaissant une légère amélioration, Léonidas Nzigiyimpa fait état de 240 hectares partis en fumée en 2019. « En 2017 et 2018, la situation était catastrophique. Les feux ont ravagé entre 800 et 900 hectares».
Les auteurs sont surtout des riverains à la recherche du miel sauvage au moyen du feu pour déloger les abeilles, les fabricants du charbon de bois ou les éleveurs à la recherche de pâturage.
Quant à Samuel Ndayiragije, Inspecteur Général au ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage fait un constat amer : « Suite à la déforestation, une galerie forestière est en voie de disparition à Monge. Celle de Kinoso n’existe plus.»
Il déplore que la Société Sucrière de Moso (SOSUMO) se soit accaparée d’une grande partie de l’aire protégée de la Malagarazi, en y plantant de la canne à sucre. « La population en a profité aussi. C’est une zone en menace permanente».
A Kayogoro, zone Bigina, province Makamba, la savane de Bigina est aujourd’hui occupée par des maisons des rapatriés de la Tanzanie.
« Notre métier, c’est une vocation sinon… »
Au sud du pays, malgré les difficultés, les éco-gardes se battent pour préserver ces paysages protégés. A Bururi, ils ne sont que huit à veiller sur 3300 hectares. « On se réveille à 3h. Nous arrivons dans la forêt à 6h, avant que les chimpanzés se réveillent et quittent leurs nids », raconte Claude Nshimirimana, pisteur.
Pour arriver au point de ralliement, ils font des kilomètres pendant la nuit. Le déplacement se fait à pied et en équipes. Ce qui leur donne du fil à retordre pendant la saison pluvieuse, car ils ne disposent pas d’équipements appropriés comme des imperméables et des bottines.
« Notre métier, c’est une vocation, sinon nous l’aurions déjà abandonné. Seulement, on aime ce qu’on fait, la nature et ses richesses». Ils passent toute la journée à proximité des chimpanzés en suivant leur déplacement.
Ces éco-gardes sont souvent attaqués. Pour se défendre, Pascal Niyokindi, un autre éco-garde, dit qu’ils ne disposent que de machettes, de lances ou de bâtons. Il souligne que parfois des braconniers sont armés de fusils ou plus nombreux qu’eux.
Ainsi justifie-t-il sa requête pour qu’ils soient armés de fusils, comme c’est le cas en Tanzanie ou au Kenya. Samuel Ndayiragije, Inspecteur Général au ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage, abonde dans le même sens : « Face au feu, il faut du feu. » En outre, il observe que ces éco-gardes sont en nombre insuffisant. « Ils ont besoin de formation, de moyens de déplacement et de communication».
Malgré les défis, Pascal Niyokindi se réjouit que leur présence porte des fruits. « Nous montrons aux riverains l’importance de ces forêts, de leurs richesses, etc. Nous alertons aussi l’administration, la police en cas de déboisement illégal, de présence de braconniers, etc.»
Ce que confirme Joseph Bukuru, un riverain du paysage protégé de Rukambasi : « C’est grâce à eux que nous avons compris que la déforestation entraîne la désertification. Que c’est grâce aux forêts que nous recevons des précipitations. Par conséquent, s’il ne pleuvait pas, nous ne pourrions pas cultiver, nourrir nos familles. »
Il assure que les habitants saluent le travail de ces éco-gardes au point de participer à la préservation des forêts.