Le ministre congolais de l’Environnement, Amy Ambatobe, a rétabli 6 500 km2 de concessions forestières qui avaient été annulées en août 2016 par l’un de ses prédécesseurs, Robert Bopolo, sur les instructions du Premier Ministre d’alors, Matata Ponyo.
Les trois concessions rétablies le 1er février 2018 ont été attribuées aux compagnies d’exploitation forestière chinoises FODECO et SOMIFOR.
Deux concessions empiètent sur les 145 000 km2 de tourbières récemment découvertes et qui pourraient contenir plus de 30 milliards de tonnes de carbone. Le développement de l’exploitation forestière dans ces zones pourrait être l’une des plus grandes menaces pour la préservation des tourbières.
« Nous déplorons que le ministère de l’Environnement ait réalloué illégalement ces concessions, malgré leur précédente annulation et en violation du moratoire de 2002 », déclare Irène Wabiwa Betoko, responsable de la campagne Forêts pour Greenpeace Afrique. « Greenpeace Afrique appelle le gouvernement congolais à révoquer de nouveau ces concessions et, cette fois, à sanctionner les personnes responsables de cette situation. »
En octobre 2017, l’Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (CAFI, en anglais), principalement financée par la Norvège, a autorisé le transfert de 41,2 millions de dollars au fonds national pour la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD+) de RDC.
Ce versement était censé faire suite à la mise en place d’un “plan d’action solide” et de mesures de surveillance interne par le gouvernement congolais. Cependant, la CAFI n’ayant pas suffisamment insisté pour que des mesures empêchant toute future violation du moratoire soient adoptées, des sommes importantes ont été versées alors que le gouvernement de RDC a continué à rétablir des concessions forestières illégales.
Jo Blackman, Responsable de campagne à Global Witness, déclare : « Nous appelons la CAFI à suspendre immédiatement ses financements tant que le gouvernement de RDC n’aura pas annulé ces attributions de concessions, garanti le respect du moratoire et pris des sanctions contre les responsables de ces attributions illégales. »
Lars Løvold, Directeur de Rainforest Foundation Norway ajoute : « Il est surprenant que des membres du gouvernement de RDC soient apparemment prêts à risquer l’annulation d’un accord total de 200 millions de dollars entre la CAFI et la RDC en menant des actions illégales de courte vue. »
Lors d’une séance photo le 31 octobre 2017, à bord du bateau de Greenpeace Esperanza, Amy Ambatobe s’est solennellement engagé à protéger les tourbières du pays en déclarant :
« J’envoie ici un message à toute la communauté internationale pour la mobilisation de fonds et pour aider le gouvernement de RDC à protéger ces aires sensibles et pour améliorer les moyens de subsistance des communautés habitant autour de ces tourbières. »
Simon Counsell, Directeur exécutif de la Rainforest Foundation, analyse : « L’établissement de nouvelles concessions forestières envoie un signal clair à la communauté internationale : le gouvernement de RDC est en train de faire une croix sur toute ambition de réduire les émissions liées à la déforestation ou à la dégradation des forêts.
Toute opération d’exploitation forestière à grande échelle, en particulier dans les tourbières, est susceptible de causer des émissions massives de gaz à effet de serre. Les donateurs comme la Norvège ou la Banque mondiale vont devoir réévaluer si les programmes REDD en RDC sont crédibles et s’il est opportun de continuer à les financer. »