Le Nigeria, première puissance pétrolière d’Afrique, a des ressources naturelles abondantes mais souvent inexploitées, faute d’initiatives et d’infrastructures. Résultat: une forte dépendance à l’importation pour des produits de base, comme le concentré de tomates.
Aliko Dangote, l’homme le plus riche d’Afrique, a décidé de s’attaquer à cette difficulté tout en luttant contre un autre problème, celui du chômage des jeunes dans le nord du pays. Une région qu’il connaît bien pour en être originaire et où le manque d’emplois et la pauvreté ont servi de terreau au groupe islamiste Boko Haram depuis des années.
Cela fait cinq ans que le groupe Dangote construit une usine de transformation de tomates, dans laquelle il a investi quelque 20 millions de dollars (18,4 millions d’euros), en périphérie de Kano, la grande ville du nord du Nigeria.
L’installation géante – l’équivalent de 10 terrains de football – a été construite à côté de champs irrigués de 17.000 hectares.
Selon les données du ministère de l’Agriculture, la demande actuelle de concentré de tomates au Nigeria est de 900.000 tonnes par an.
L’usine Dangote, qui doit entrer en production le mois prochain, a prévu de produire 430.000 tonnes par an de ce condiment servant de base à de nombreux plats traditionnels nigérians, comme le fameux riz jollof et les diverses soupes à la viande et au poisson séché consommées au quotidien à travers le pays.
“Le Nigeria est un marché tellement énorme pour le concentré de tomates, c’est un sacré défi de tenter de répondre à la demande”, a déclaré le directeur général de l’usine, Abdulkarim Kaita.
“Les entreprises locales de conditionnement de concentré de tomates ont déjà passé commande auprès de nous, et nous allons devoir travailler dur pour honorer” ces commandes, a poursuivi M. Kaita.
“Nous sommes prêts à lancer les opérations. Nous attendons juste les tomates, qui sont en train de mûrir dans les champs”, a-t-il ajouté.
Les tomates pourrissent
Le Nigeria produit environ 1,5 million de tonnes de tomates par an, ce qui en fait le 14e plus gros producteur au monde et le second en Afrique, selon le gouvernement.
Mais le pays est obligé d’importer son concentré de tomates, de Chine principalement, par manque d’usines de transformation.
La moitié de la production nigériane de tomates pourrit à cause du manque de capacité de stockage et du manque d’accès aux points de vente, selon la Banque centrale du Nigeria (CBN).
L’usine de Dangote, construite par l’entreprise suisse Syngenta, doit employer 120 personnes, et s’est engagée à se fournir en tomates auprès de 50.000 fermiers.
La CBN a apporté son assistance technique en assurant des prêts aux fermiers, pour l’achat de graines et d’engrais. L’usine doit ensuite leur acheter leurs tomates à des prix compétitifs, a expliqué M. Kaita.
“Une fois qu’on sera en production, l’usine va fournir du travail aux fermiers, aux usines chargées de mettre en boîte le concentré de tomate, aux marchands, aux transporteurs et à plein d’autres acteurs sur la chaîne de valorisation de la tomate”, a estimé Ashwin Patil, responsable de la production.
Le groupe envisage déjà d’augmenter sa capacité de production et d’acquérir une autre usine de concentré de tomate qui n’est plus en activité, dans l’Etat voisin de Kaduna, a-t-il ajouté.
Pour le fermier Yusuf Ado Kadawa, l’usine Dangote et les perspectives qu’elle offre sont plus que bienvenues.
“Nous avons vraiment des pertes énormes sur nos récoltes qui pourrissent faute de marché pour nos tomates (…) Mais maintenant nous avons un marché à proximité, avec cette usine”, s’est-il enthousiasmé.
Le président Muhammadu Buhari cherche à diversifier l’économie du Nigeria, trop dépendante du pétrole, au moment où les cours de l’or noir ont chuté, faisant fondre les recettes de l’Etat.
L’ancien ministre de l’Agriculture Akinwumi Adesina, aujourd’hui à la tête de la Banque africaine de développement (BAD), avait estimé en 2013 que l’agriculture était “le nouveau pétrole” du Nigeria.
Pour l’instant, l’agriculture représente 30% des emplois dans le pays le plus peuplé d’Afrique (170 millions d’habitants) mais il s’agit souvent de culture vivrière et de subsistance.
Dangote va cependant devoir faire face à des défis de taille, comme le manque d’électricité, qui oblige à investir dans des générateurs et fait grimper les coûts de production de façon vertigineuse, surtout face aux importations bon marché et très peu contrôlées.
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